D E S I G N I N G F O R C O N T E X T
Travail réflexif sur la thématique du design contextuel entrepris, maturé et présenté dans dans le cadre d'un Meetup UX@Scale chez NOVENCIA Group le 8 novembre 2018.
A l'origine, le sujet sur lequel nous souhaitions nous exprimer portait sur le design d'anticipation.
Pour faire suite aux réflexions ébauchées dans mon mémoire, ce travail s'est naturellement élargi à la thématique du design contextuel.
No experience exist without a context.
Le constat initial est que nous prenons actuellement 35 000 décisions par jour, ce qui équivaut à la quantité de décisions que devait prendre un ouvrier de bureau des années 50 en 1 mois. Cette accélération est en partie liée à la multitude de micro décisions que nous prenons chaque jour lors des interactions avec nos multiples dispositifs numériques.
Ce qui nous amène à la première partie de la réflexion : nous sommes entrés dans une ère d'hyper-sollicitation.
La multitude d'informations auxquelles nous avons accès nous amène à devoir effectuer d'autant plus de choix. Nous faisons tous l'expérience de ce que l'on nomme la surcharge cognitive qui regroupe paradoxe du choix et fatigue décisionnelle.
Le designer rencontre ce problème lors de la conception, en demandant à un utilisateur de prendre trop de décisions, on lui fait prendre de mauvaises décisions. Roy Baumeister, psychologue, nous donne une piste de travail « Les gens qui ont du succès ne prennent pas de meilleures décisions (…) ils développent des habitudes qui réduisent le nombre de décisions qu’ils doivent prendre et, donc, le stress. » C’est un peu comme si on disposait d’un stock limité de décisions pertinentes, pour améliorer la qualité de la prise de décisions, il faut limiter le nombre de décisions que l'on fait prendre à notre utilisateur.
C'est ce que préconise l'inventeur de l'Anticipatory Design Aaron Shapiro, CEO de Huge, en 2015, lorsqu'il déclare que « The next big thing in design ? [is] Less choice ». Il définit deux sous niveaux du design d'anticipation que sont la simplification de la sélection et les suggestions intelligentes / les suggestions prédictives.
Pour lui, il s'agit de simplifier les processus cognitifs en « prévoyant » les décisions de l’utilisateur, il évoque la personnalisation et le design d’anticipation pour simplifier la prise de décision côté utilisateur.
Pour synthétiser ce que serait le « design d'anticipation », on pourrait avancer qu'il s'agit de « créer des expériences épatantes en réduisant la charge cognitive », ce qui se rapproche fortement d'un définition de l'UX design. Après avoir analysé plusieurs exemples (Nest, autocomplétion automatique de champs, l'anticipatory shipping d'Amazon, la marche arrière de la Tucson, l'écran d'accueil de l'app Uber, les notifications de Metromile et le cas des App Actions introduites avec les Slices sous Android Pie), nous montrons qu’une démarche d’anticipation ne se fonde pas uniquement sur du Machine Learning ou des algorithmes mais bien souvent sur du bon sens (ou comme nous aimons l'appeler de l'huile de coude) et de la recherche terrain intrinsèquement liés à l'étude et à la compréhension du contexte de l'utilisateur.
J'ai mené un travail de réinterprétation et de réadaptation du modèle du contexte (décrivant sa structure tel qu’il englobe à la fois les facteurs humains et l’environnement physique) qu'avait proposé Albrecht Schmidt en 1999 dans There is more to context than location.
Nous appelons contexte d’utilisation ou d’usage la situation de l’utilisateur ainsi que le contexte artificiel du dispositif technologique utilisé. L’environnement physique comprend la localisation (absolue, relative ou co-position), l’infrastructure (ressources, réseau, communication, performance) et les caractéristiques physiques (lumière, pression, température, accélération, sons).
Ce que nous appelons contexte d’interaction est lié au processus collaboratif dans lequel l’utilisateur est impliqué (groupe d’appartenance, rôle, activités au sein de l’environnement), c’est un contexte relationnel. Il correspond dans le modèle de Schmidt aux facteurs humains qui englobent la connaissance de l’utilisateur (habitudes, état émotionnel, identité, conditions biologiques), un environnement social (interactions, dynamique de groupe, entourage) et la définition d’une tâche (activité spontanée, contrainte, objectifs). Les éléments du contexte caractérisent ainsi une situation.
La composante principale du contexte qu’il met en avant est le temps, au delà d’une caractéristique physique, cette notion rend compte de la notion de changement, d’évolution.
Un contexte est défini par rapport au temps, il évolue donc de façon plus ou moins radicale à tout moment.
C’est pourquoi le contexte est mouvant et il paraît nécessaire de parler d’un contexte à un instant t et non plus du contexte en général.
Se mettre dans une posture d’anticipation, c'est concevoir moins pour des catégories de personnes avec le fameux outil des personas (statique), la plupart des systèmes étant conçus pour un contexte donné et figé, mais plus pour des moments (adapter la structure et le comportement des systèmes/service au(x) contexte(s) de l’utilisateur). Tout au long de notre vie, nous traversons des états différents, nous passons de situation en situation, de même il faudrait adopter une posture situationnelle lorsque nous concevons. L'expression « Designing for the very moment » prend tout son sens à la lumière de cette réinterprétation du modèle du contexte.
Nous savons tous que l’étude et la prise en compte du contexte utilisateur sont à la base du travail de conception. Mais l’évolution récente des technologies (multiplication des capteurs, augmentation de la puissance de calcul, machine learning, big et thick data) nous permet d’appréhender le contexte sous un nouvel angle, de plus en plus finement, à condition d’adapter nos pratiques.
A partir d’une définition de ce qu’englobe le « contexte », nous avons proposé des bonnes pratiques à mettre en oeuvre et les pièges à éviter afin de se mettre dans une posture d’anticipation et avons abordé les actions que l'on peut mettre en place afin de préserver une éthique dans la conception.
En guise de conclusion, nous proposons de se mettre dans une posture de majordome. Après avoir évoqué les qualités qui font d'un majordome un maître de l'anticipation et de la contextualisation, nous vous invitons à "penser majordome" si vous souhaitez concevoir des services épatants et contextualisés.
Teaser
UX@scale : Et si nous revisitions notre compréhension du contexte ?
L’étude du contexte utilisateur est indissociable des pratiques de l’UX Design.
Les évolutions « récentes » de la technologie comme le machine learning, le big data et la multiplication des capteurs nous permettent d’appréhender avec plus de précision et sous un nouveau jour ce sacro-saint contexte utilisateur.
Que ce soit pour anticiper les besoins utilisateurs, mieux personnaliser les services que l’on propose à nos utilisateurs, l’analyse fine du contexte nous ouvre un nouveau champ du possible, à condition de faire évoluer nos pratiques.
A partir d’exemples concrets, d’un peu de théorie et de quelques métaphores, nous dresserons les grandes lignes de cette « nouvelle ère du contexte ».
Au programme de ce meetup
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Hyper sollicitation et paradoxe du choix
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Les 7 « flavours » du contexte
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Anticipation, algorithmes et bon sens
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Bonnes pratiques et écueils à éviter (pour concevoir des services conceptualisés ?)